Utilisation des phylogénies d'infections en épidémiologie - Anses - Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Bulletin de veille scientifique Année : 2017

Utilisation des phylogénies d'infections en épidémiologie

Résumé

Les virus évoluent rapidement. Ceci explique en partie les difficultés à mettre au point des vaccins ou des traitements (1). L'évolution est dite « neutre » quand les mutations génétiques n'affectent pas les traits de l'infection. La phylodynamique propose d'utiliser cette évolution neutre afin d'inférer des paramètres épidémiologiques (2,3). Il s'agit d'étudier la manière dont les virus se propagent, ce qui laisserait des traces dans leur génome. À la base de cette discipline, il y a le parallèle entre une phylogénie d'infection (représentation de l'évolution du virus au cours d'une épidémie) et une chaîne de transmission. En effet, chaque em-branchement dans la phylogénie peut être vu comme une transmission et chaque feuille comme une fin d'infection. Ceci a conduit les biologistes de l'évolution à appliquer des modèles phylogénétiques au cas des phylogénies d'infections, par exemple pour approximer la prévalence des infections (4). Ces dernières années ont vu des progrès dans le développement de modèles statis-tiques permettant d'inférer des paramètres tels que le taux de reproduction de base (ou R0), qui caractérise la vitesse de propagation d'un pathogène. Ces méthodes ont en commun de reposer sur des modèles mathématiques qui calculent la probabilité d'observer une phylogénie pour un modèle sous-jacent donné et un jeu de paramètres donné (5,6). Des approches dites de phylo-géographie permettent aussi de retracer la propagation d'épidémies dans l'espace, par exemple la grippe aviaire en Asie (7). Enfin, de nouvelles approches visent à maximiser la précision des modèles en combinant des données d'épidémiologie « classiques » (prévalence) et données génétiques (8). Les trois publications illustrent l'apport de la phylodynamique pour l'étude d'infections émergentes (Zika), sa faisabilité dans un contexte difficile (Ebola en Afrique de l'Ouest) et les défis soulevés par l'accumulation de séquences (le cas du virus du syndrome respiratoire et reproductif porcin). Résumé Le virus Zika appartient au genre des Flavivirus (comme la dengue). Il est généralement transmis à l'homme par un moustique du genre Aedes et peut causer des symptômes modérés (maux de tête, courbatures) et avoir des consé-quences graves chez le foetus. Zika a été découvert en 1947 en Ouganda. On en connaît deux génotypes (africain et asiatique). Entre 2007 et 2014, Zika a causé plusieurs épi-démies dans le Pacifique. En mai 2015, il a été détecté au Brésil et, fin janvier 2016, 30.000 cas avaient été recensés (ce chiffre sous-estime fortement l'incidence car la majorité des cas sont asymptomatiques). Afin d'en savoir plus sur l'origine de l'épidémie, les auteurs ont séquencé le génome complet de Zika chez sept indivi-dus. Ces sept séquences étaient peu différentes des sé-quences existantes. En inférant un arbre phylogénétique daté à partir de ces sept séquences et de 16 autres dispo-nibles dans la base de données de référence, ils ont consta-té que les séquences d'Amérique du Sud appartenaient au génotype asiatique et partageaient un ancêtre commun avec la souche de 2013 en provenance de Polynésie fran-çaise. De plus, les séquences du Brésil sont éparpillées dans le groupe des séquences américaines, suggérant une propagation du Zika entre les pays. Toutefois, comme le Zika a d'abord été identifié au Brésil et, comme sa diversité géné-tique y est la plus élevée, les auteurs pensent que c'est là que l'épidémie Sud-Américaine a commencé. Enfin, selon les auteurs, l'ancêtre commun aux séquences américaines se situerait entre août 2013 et avril 2014. Celui des séquences américaines et de Polynésie française re-monterait à une date entre décembre 2012 et septembre 2013. Ceci suggère que le virus n'a pas été introduit au Brésil pendant la coupe du monde de football (été 2014) mais peut-être pendant la coupe des confédérations en 2013. Enfin, les répercussions des mutations de la souche Brésilienne de Zika sur les propriétés physico-chimiques des protéines du virus ne semblent pas avoir d'impact sur la transmission de ce dernier. Commentaire Cet article montre que la phylodynamique est maintenant utilisée en routine pour analyser une « flambée épidé-mique ». L'analyse de quelques génomes permet d'en savoir plus sur l'origine de l'épidémie, en particulier dans le cas d'un pathogène mal connu. Ces méthodes permettent aussi de dater les événements, par exemple l'arrivée de Zika au Brésil. Le peu de séquences utilisées ici fait que l'incertitude autour des dates estimées est grande. C'est d'ailleurs une des limites de cette étude, surtout à l'heure où le séquen-çage est devenu facile même en conditions extrêmes comme l'illustre la seconde étude. Séquençage portable des génomes en temps réel pour la surveillance d'Ebola Quick J. et al. (2016). Real-time, portable genome sequencing for Ebola surveillance. Nature, vol. 530: p.228-32.
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Origine : Accord explicite pour ce dépôt

Dates et versions

anses-01533229 , version 1 (06-06-2017)

Identifiants

  • HAL Id : anses-01533229 , version 1

Citer

Samuel Alizon, Emma Saulnier. Utilisation des phylogénies d'infections en épidémiologie. Bulletin de veille scientifique , 2017, 31, pp.42-43. ⟨anses-01533229⟩
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